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LIVRE III. LA CITÉ.

cité. Il réussit en effet à faire adopter dans toute l’Attique le culte d’Athéné Polias, en sorte que tout le pays célébra dès lors en commun le sacrifice des Panathénées. Avant lui chaque bourgade avait son feu sacré et son prytanée ; il voulut que le prytanée d’Athènes fût le centre religieux de toute l’Attique[1]. Dès lors l’unité athénienne fut fondée ; religieusement, chaque canton conserva son ancien culte, mais tous adoptèrent un culte commun ; politiquement, chacun conserva ses chefs, ses juges, son droit de s’assembler, mais au-dessus de ces gouvernements locaux il y eut le gouvernement central de la cité[2].

De ces souvenirs et de ces traditions si précises qu’Athènes conservait religieusement, il nous semble

  1. Thucydide, II, 15. Plutarque, Thésée, 24. Pausanias, I, 26 ; VIII, 2.
  2. Plutarque et Thucydide disent que Thésée détruisit les prytanées locaux et abolit les magistratures des bourgades. S’il essaya de le faire, il est certain qu’il n’y réussit pas ; car longtemps après lui nous trouvons encore les cultes locaux, les assemblées, les rois de tribus. Bœckh, Corp. inscr., 82, 85. Démosth., in Theocrinem. Pollux, VIII, 111. — Nous laissons de côté la légende d’Ion, à laquelle plusieurs historiens modernes nous semblent avoir donné trop d’importance en la présentant comme le symptôme d’une invasion étrangère dans l’Attique. Cette invasion n’est indiquée par aucune tradition. Si l’Attique eût été conquise par ces Ioniens du Péloponèse, il n’est pas probable que les Athéniens eussent conservé si religieusement leurs noms de Cécropides, d’Érechthéides, et qu’ils eussent, au contraire, considéré comme une injure le nom d’Ioniens (Hérodote, I, 143). À ceux qui croient à cette invasion des Ioniens et qui ajoutent que la noblesse des Eupatrides vient de là, on peut encore répondre que la plupart des grandes familles d’Athènes remontent à une époque bien antérieure à celle où l’on place l’arrivée d’Ion dans l’Attique. Est-ce à dire que les Athéniens ne soient pas des Ioniens, pour la plupart ? Ils appartiennent assurément à cette branche de la race hellénique ; Strabon nous dit que dans les temps les plus reculés l’Attique s’appelait Ionia et Ias. Mais on a tort de faire du fils de Xuthos, du héros légendaire d’Euripide, la tige de ces Ioniens ; ils sont infiniment antérieurs à Ion, et leur nom est peut-être beaucoup plus ancien que celui d’Hellènes. On a tort de faire descendre d’Ion tous les Eupatrides et de présenter cette classe d’hommes comme une population conquérante qui eût opprimé par la force une population vaincue. Cette opinion ne s’appuie sur aucun témoignage ancien.