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CH. IV. LA VILLE.

mande aux dieux de lui révéler leur volonté par le vol des oiseaux. Les dieux lui désignent le Palatin.

Le jour de la fondation venu, il offre d’abord un sacrifice. Ses compagnons sont rangés autour de lui ; ils allument un feu de broussailles, et chacun saute à travers la flamme légère[1]. L’explication de ce rite est que, pour l’acte qui va s’accomplir, il faut que le peuple soit pur ; or les anciens croyaient se purifier de toute tache physique ou morale en sautant à travers la flamme sacrée.

Quand cette cérémonie préliminaire a préparé le peuple au grand acte de la fondation, Romulus creuse une petite fosse de forme circulaire. Il y jette une motte de terre qu’il a apportée de la ville d’Albe[2]. Puis chacun de ses compagnons s’approchant à son tour, jette comme lui un peu de terre qu’il a apporté du pays d’où il vient. Ce rite est remarquable, et il nous révèle chez ces hommes une pensée qu’il importe de signaler. Avant de venir sur le Palatin, ils habitaient Albe ou quelque autre des villes voisines. Là était leur foyer ; c’est là que leurs pères avaient vécu et étaient ensevelis. Or la religion défendait de quitter la terre où le foyer avait été fixé et où les ancêtres divins reposaient. Il avait donc fallu, pour se dégager de toute impiété, que chacun de ces hommes usât d’une fiction, et qu’il emportât avec lui, sous le symbole d’une motte de terre, le sol sacré où ses ancêtres étaient ensevelis et auquel leurs mânes étaient attachés L’homme ne pouvait se déplacer qu’en emmenant avec lui son sol et ses aïeux. Il fallait que ce rite fût accompli pour qu’il pût dire en montrant la place nouvelle qu’il avait adoptée : ceci est encore la terre de

  1. Denys, I, 88.
  2. Plutarque, Romulus, 11. Dion Cassius, Fragm., 12. Ovide, Fast., IV, 821. Festus, vo Quadrata.