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LIVRE III. LA CITÉ.

sa nation lui apparut et lui dit qu’il allait se fixer sur le mont Ithôme et qu’il invitait le peuple à l’y suivre. L’emplacement de la ville nouvelle étant ainsi indiqué, il restait encore à savoir les rites qui étaient nécessaires pour la fondation ; mais les Messéniens les avaient oubliés ; ils ne pouvaient pas d’ailleurs adopter ceux des Thébains ni d’aucun autre peuple ; et l’on ne savait comment bâtir la ville. Un songe vint fort à propos à un autre Messénien : les dieux lui ordonnaient de se transporter sur le mont Ithôme, d’y chercher un if qui se trouvait auprès d’un myrte et de creuser la terre en cet endroit. Il obéit ; il découvrit une urne, et dans cette urne des feuilles d’étain, sur lesquelles se trouvait gravé le rituel complet de la cérémonie sacrée. Les prêtres en prirent aussitôt copie et l’inscrivirent dans leurs livres. On ne manqua pas de croire que l’urne avait été déposée là par un ancien roi des Messéniens avant la conquête du pays.

Dès qu’on fut en possession du rituel, la fondation commença. Les prêtres offrirent d’abord un sacrifice ; on invoqua les anciens dieux de la Messénie, les Dioscures, le Jupiter de l’Ithôme, les anciens héros, les ancêtres connus et vénérés. Tous ces protecteurs du pays l’avaient apparemment quitté, suivant les croyances des anciens, le jour où l’ennemi s’en était rendu maître ; on les conjura d’y revenir. On prononça des formules qui devaient avoir pour effet de les déterminer à habiter la ville nouvelle en commun avec les citoyens. C’était là l’important ; fixer les dieux avec eux était ce que ces hommes avaient le plus à cœur, et l’on peut croire que la cérémonie religieuse n’avait pas d’autre but. De même que les compagnons de Romulus creusaient une fosse et croyaient y