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Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/204

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LIVRE III. LA CITÉ.

assiégeait une ville, on ne manquait pas d’adresser une invocation à ses dieux pour qu’ils permissent qu’elle fût prise[1]. Souvent, au lieu d’employer une formule pour attirer le dieu, les Grecs préféraient enlever adroitement sa statue. Tout le monde connaît la légende d’Ulysse dérobant la Pallas des Troyens. À une autre époque, les Éginètes voulant faire la guerre à Épidaure, commencèrent par enlever deux statues protectrices de cette ville et les transportèrent chez eux[2].

Hérodote raconte que les Athéniens voulaient faire la guerre aux Éginètes ; mais l’entreprise était hasardeuse ; car Égine avait un héros protecteur d’une grande puissance et d’une singulière fidélité ; c’était Éacus. Les Athéniens, après avoir mûrement réfléchi, remirent à trente années l’exécution de leur dessein ; en même temps ils élevèrent dans leur pays une chapelle à ce même Éacus et lui vouèrent un culte. Ils étaient persuadés que si ce culte était continué sans interruption durant trente ans, le dieu n’appartiendrait plus aux Éginètes, mais aux Athéniens. Il leur semblait en effet qu’un dieu ne pouvait pas accepter pendant si longtemps de grasses victimes sans devenir l’obligé de ceux qui les lui offraient. Éacus serait donc à la fin forcé d’abandonner les intérêts des Éginètes et de donner la victoire aux Athéniens[3].

Il y a dans Plutarque cette autre histoire[4]. Solon voulait qu’Athènes fût maîtresse de la petite île de Salamine qui appartenait alors aux Mégariens. Il consulta l’Oracle. L’Oracle lui répondit : « Si tu veux conquérir l’île, il faut d’abord que tu gagnes la faveur des héros

  1. Thucydide, II, 74.
  2. Hérodote, V, 83.
  3. Hérodote, V, 89.
  4. Plutarque, Solon, 9.