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CH. I. CROYANCES SUR L’ÂME ET SUR LA MORT.

envoyait des maladies, ravageait leurs moissons, les effrayait par des apparitions lugubres, pour les avertir de donner la sépulture à son corps et à elle-même. De là est venue la croyance aux revenants. Toute l’antiquité a été persuadée que sans la sépulture l’âme était misérable, et que par la sépulture elle devenait à jamais heureuse. Ce n’était pas pour l’étalage de la douleur qu’on accomplissait la cérémonie funèbre, c’était pour le repos et le bonheur du mort[1].

Remarquons bien qu’il ne suffisait pas que le corps fût mis en terre. Il fallait encore observer des rites traditionnels et prononcer des formules déterminées. On trouve dans Plaute l’histoire d’un revenant[2] ; c’est une âme qui est forcément errante parce que son corps a été mis en terre sans que les rites aient été observés. Suétone raconte que le corps de Caligula ayant été mis en terre sans que la cérémonie funèbre fût accomplie, il en résulta que son âme fut errante et qu’elle apparut aux vivants, jusqu’au jour où l’on se décida à déterrer le corps et à lui donner une sépulture suivant les règles. Ces deux exemples montrent clairement quel effet on attribuait aux rites et aux formules de la cérémonie funèbre. Puisque sans eux les âmes étaient errantes et se montraient aux vivants, c’est donc que par eux elles étaient fixées et enfermées dans leurs tombeaux. Et de même qu’il y avait des formules qui avaient cette vertu, les anciens en possédaient d’autres qui avaient la vertu contraire, celle d’évoquer les âmes et de les faire sortir momentanément du sépulcre.

  1. Hom., Odyss., XI, 12. Euripide, Troad., 1085. Hérodote, V, 92. Virgile, VI, 371, 379. Horace, Odes, I, 23. Ovide, Fast., V, 483. Pline, Epist., VII, 27. Suétone, Calig., 59. Servius, ad Æneid., III, 68.
  2. Plaute, Mostellaria.