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LIVRE III. LA CITÉ.

dieu d’Ammon, qui commence à être déjà fort en vogue, et ils en rapportent cet oracle : les Athéniens prendront tous les Syracusains. Le peuple se décide aussitôt pour la guerre[1].

Nicias, bien malgré lui, commande l’expédition. Avant de partir, il accomplit un sacrifice, suivant l’usage. Il emmène avec lui, comme fait tout général, une troupe de devins, de sacrificateurs, d’aruspices et de hérauts. La flotte emporte son foyer ; chaque vaisseau a un emblême qui représente quelque dieu.

Mais Nicias a peu d’espoir. Le malheur n’est-il pas annoncé par assez de prodiges ? Des corbeaux ont endommagé une statue de Pallas ; un homme s’est mutilé sur un autel ; et le départ a lieu pendant les jours néfastes des Plyntéries ! Nicias ne sait que trop que cette guerre sera fatale à lui et à la patrie. Aussi pendant tout le cours de cette campagne le voit-on toujours craintif et circonspect ; il n’ose presque jamais donner le signal d’un combat, lui que l’on connaît pour être si brave soldat et si habile général.

On ne peut pas prendre Syracuse, et après des pertes cruelles il faut se décider à revenir à Athènes. Nicias prépare sa flotte pour le retour ; la mer est libre encore. Mais il survient une éclipse de lune. Il consulte son devin ; le devin répond que le présage est contraire et qu’il faut attendre trois fois neuf jours. Nicias obéit ; il passe tout ce temps dans l’inaction, offrant force sacrifices pour apaiser la colère des dieux. Pendant ce temps, les ennemis lui ferment le port et détruisent sa flotte. Il ne reste plus qu’à faire retraite par terre, chose impossible ;

  1. Plutarque, Nicias. Thucydide, VI.