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CH. VII. LA PLÈBE ENTRE DANS LA CITÉ.

religieuse de la société athénienne. La population restait partagée en deux ou trois cents γένη, en douze phratries, en quatre tribus. Dans chacun de ces groupes il y avait encore, comme dans l’époque précédente, un culte héréditaire, un prêtre qui était un eupatride, un chef qui était le même que le prêtre. Tout cela était le reste d’un passé qui avait peine à disparaître ; par là, les traditions, les usages, les règles, les distinctions qu’il y avait eu dans l’ancien état social, se perpétuaient. Ces cadres avaient été établis par la religion, et ils maintenaient à leur tour la religion, c’est-à-dire la puissance des grandes familles. Il y avait dans chacun de ces cadres deux classes d’hommes, d’une part les eupatrides qui possédaient héréditairement le sacerdoce et l’autorité, de l’autre les hommes d’une condition inférieure, qui n’étaient plus serviteurs ni clients, mais qui étaient encore retenus sous l’autorité de l’eupatride par la religion. En vain la loi de Solon disait que tous les Athéniens étaient libres. La vieille religion saisissait l’homme au sortir de l’assemblée où il avait librement voté, et lui disait : tu es lié à un eupatride par le culte ; tu lui dois respect, déférence, soumission ; comme membre d’une cité, Solon t’a fait libre ; mais comme membre d’une tribu, tu obéis à un eupatride ; comme membre d’une phratrie, tu as encore un eupatride pour chef ; dans la famille même, dans le γένος où tes ancêtres sont nés et dont tu ne peux pas sortir, tu retrouves encore l’autorité d’un eupatride. À quoi servait-il que la loi politique eût fait de cet homme un citoyen, si la religion et les mœurs persistaient à en faire un client ? Il est vrai que depuis plusieurs générations beaucoup d’hommes se trouvaient en dehors de ces cadres,