Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

Ce qui fut plus grave encore, c’est qu’il publia des lois pour la plèbe, qui n’en avait jamais eu auparavant. Ces lois étaient relatives pour la plupart aux obligations que le plébéien pouvait contracter avec le patricien. C’était un commencement de droit commun entre les deux ordres, et pour la plèbe un commencement d’égalité[1].

Puis ce même roi établit une division nouvelle dans la cité. Sans détruire les trois anciennes tribus, où les familles patriciennes et les clients étaient répartis d’après la naissance, il forma vingt et une tribus nouvelles où la population tout entière était distribuée d’après le domicile. Nous avons vu cette réforme à Athènes et nous en avons dit les effets ; ils furent les mêmes à Rome. La plèbe, qui n’entrait pas dans les anciennes tribus, fut admise dans les tribus nouvelles[2]. Cette multitude jusque-là flottante, espèce de population nomade qui n’avait aucun lien avec la cité, eut désormais ses divisions fixes et son organisation régulière. La formation de ces tribus, où les deux ordres étaient mêlés, marque véritablement l’entrée de la plèbe dans la cité. Chaque tribu eut un foyer et des sacrifices ; Servius établit des dieux Lares dans chaque carrefour de la ville, dans chaque circonscription de la campagne. Ils servirent de divinités à ceux qui n’en avaient pas de naissance. Le plébéien célébra les fêtes religieuses de son quartier et de son bourg (compitalia, paganalia), comme le patricien célébrait les sacrifices de sa gens et de sa curie. Le plébéien eut une religion.

En même temps un grand changement fut opéré dans la

    terres prises à l’ennemi ; mais il n’est pas sûr qu’ils aient admis la plèbe au partage.

  1. Denys, IV, 13 ; IV, 43.
  2. Denys, IV, 26.