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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

justice était un terrain sacré qui leur était interdit. Tant qu’il y avait eu des rois, ils avaient pris sur eux de régir la plèbe, et ils l’avaient fait d’après certaines règles qui n’avaient rien de commun avec l’ancienne religion, et que le besoin ou l’intérêt public avait fait trouver. Mais par la révolution qui avait chassé les rois, la religion avait repris l’empire, et il était arrivé forcément que toute la classe plébéienne avait été rejetée en dehors des lois sociales.

Le patriciat s’était fait alors un gouvernement conforme à ses propres principes ; mais il ne songeait pas à en établir un pour la plèbe. Il n’avait pas la hardiesse de la chasser de Rome, mais il ne trouvait pas non plus le moyen de la constituer en société régulière. On voyait ainsi au milieu de Rome des milliers de familles pour lesquelles il n’existait pas de lois fixes, pas d’ordre social, pas de magistratures. La cité, le populus, c’est-à-dire la société patricienne avec les clients qui lui étaient restés, s’élevait puissante, organisée, majestueuse. Autour d’elle vivait la multitude plébéienne qui n’était pas un peuple et ne formait pas un corps. Les consuls, chefs de la cité patricienne, maintenaient l’ordre matériel dans cette population confuse ; les plébéiens obéissaient ; faibles, généralement pauvres, ils pliaient sous la force du corps patricien.

Le problème dont la solution devait décider de l’avenir de Rome était celui-ci : comment la plèbe deviendrait-elle une société régulière ?

Or le patriciat, dominé par les principes rigoureux de sa religion, ne voyait qu’un moyen de résoudre ce problème, et c’était de faire entrer la plèbe, par la clientèle, dans les cadres sacrés des gentes. Il paraît qu’une tenta-