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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

Rome, quelque patricien rencontrait un tribun sur la voie publique, il se faisait un devoir de se purifier en rentrant dans sa maison, « comme si son corps eût été souillé par cette seule rencontre[1]. » Ce caractère sacrosaint restait attaché au tribun pendant toute la durée de ses fonctions ; puis en créant son successeur, il lui transmettait ce caractère, exactement comme le consul, en créant d’autres consuls, leur passait les auspices et le droit d’accomplir les rites sacrés. Plus tard, le tribunat ayant été interrompu pendant deux ans, il fallut, pour établir de nouveaux tribuns, renouveler la cérémonie religieuse qui avait été accomplie sur le mont Sacré.

On ne connaît pas assez complétement les idées des anciens pour dire si ce caractère sacrosaint rendait la personne du tribun honorable aux yeux des patriciens, ou la posait au contraire comme un objet de malédiction et d’horreur. Cette seconde conjecture est plus conforme à la vraisemblance. Ce qui est certain, c’est que, de toute manière, le tribun se trouvait tout à fait inviolable, la main du patricien ne pouvant le toucher sans une impiété grave.

Une loi confirma et garantit cette inviolabilité ; elle prononça « que nul ne pourrait violenter un tribun, ni le frapper, ni le tuer. » Elle ajouta « que celui qui se permettrait un de ces actes vis-à-vis du tribun, serait impur, que ses biens seraient confisqués au profit du temple de Cérès et qu’on pourrait le tuer impunément. » Elle se terminait par cette formule, dont le vague aida puissamment aux progrès futurs du tribunat : « Ni magistrat ni particulier n’aura le droit de rien faire à l’en-

  1. Plutarque, Quest. rom., 81.