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CH. VII. LA PLÈBE ENTRE DANS LA CITÉ.

plèbe eut chaque année un consul sur deux, et elle ne tarda guère à parvenir aux autres magistratures. Le plébéien porta la robe de pourpre et fut précédé des faisceaux ; il rendit la justice, il fut sénateur, il gouverna la cité et commanda les légions.

Restaient les sacerdoces, et il ne semblait pas qu’on pût les enlever aux patriciens. Car c’était dans la vieille religion un dogme inébranlable que le droit de réciter la prière et de toucher aux objets sacrés ne se transmettait qu’avec le sang. La science des rites, comme la possession des dieux, était héréditaire. De même qu’un culte domestique était un patrimoine auquel nul étranger ne pouvait avoir part, le culte de la cité appartenait aussi exclusivement aux familles qui avaient formé la cité primitive. Assurément dans les premiers siècles de Rome il ne serait venu à l’esprit de personne qu’un plébéien pût être pontife.

Mais les idées avaient changé. La plèbe, en retranchant de la religion la règle d’hérédité, s’était fait une religion à son usage. Elle s’était donné des lares domestiques, des autels de carrefour, des foyers de tribu. Le patricien n’avait eu d’abord que du mépris pour cette parodie de sa religion. Mais cela était devenu avec le temps une chose sérieuse, et le plébéien était arrivé à croire qu’il était, même au point de vue du culte et à l’égard des dieux, l’égal du patricien.

Il y avait deux principes en présence. Le patriciat persistait à soutenir que le caractère sacerdotal et le droit d’adorer la divinité étaient héréditaires. La plèbe affranchissait la religion et le sacerdoce de cette vieille règle de l’hérédité ; elle prétendait que tout homme était apte à prononcer la prière, et que, pourvu qu’on fût ci-