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Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/450

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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

jour où la malheureuse expédition de Sicile fut décidée, il n’était pas un citoyen qui ne sût qu’un des siens en ferait partie et qui ne dût appliquer toute l’attention de son esprit à mettre en balance ce qu’une telle guerre offrait d’avantages et ce qu’elle présentait de dangers. Il importait grandement de réfléchir et de s’éclairer. Car un échec de la patrie était pour chaque citoyen une diminution de sa dignité personnelle, de sa sécurité et de sa richesse.

Le devoir du citoyen ne se bornait pas à voter. Quand son tour venait, il devait être magistrat dans son dème ou dans sa tribu. Une année sur deux en moyenne[1], il était héliaste, et il passait toute cette année-là dans les tribunaux, occupé à écouter les plaideurs et à appliquer les lois. Il n’y avait guère de citoyen qui ne fût appelé deux fois dans sa vie à faire partie du Sénat ; alors, pendant une année, il siégeait chaque jour du matin au soir, recevant les dépositions des magistrats, leur faisant rendre leurs comptes, répondant aux ambassadeurs étrangers, rédigeant les instructions des ambassadeurs athéniens, examinant toutes les affaires qui devaient être soumises au peuple et préparant tous les décrets. Enfin il pouvait être magistrat de la cité, archonte, stratége, astynome, si le sort ou le suffrage le désignait. On voit que c’était une lourde charge que d’être citoyen d’un État démocratique, qu’il y avait là de quoi occuper presque toute l’existence, et qu’il restait bien peu de temps pour les travaux personnels et la vie domestique. Aussi Aristote disait-il très-justement que l’homme qui

  1. Il y avait 5 000 héliastes sur 14 000 citoyens ; encore peut-on retrancher de ce dernier chiffre 3 ou 4 000 qui devaient être écartés par la δοκιμασία ou pour d’autres motifs.