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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

Que devenait alors la démocratie ? Elle n’était pas précisément responsable de ces excès et de ces crimes ; mais elle en était atteinte la première. Il n’y avait plus de règles ; or la démocratie ne peut vivre qu’au milieu des règles les plus strictes et les mieux observées. On ne voyait plus de vrais gouvernements, mais des factions au pouvoir. Le magistrat n’exerçait plus l’autorité au profit de la paix et de la loi, mais au profit des intérêts et des convoitises d’un parti. Le commandement n’avait plus ni titres légitimes ni caractère sacré ; l’obéissance n’avait plus rien de volontaire ; toujours contrainte, elle se promettait toujours une revanche. La cité n’était plus, comme dit Platon, qu’un assemblage d’hommes dont une partie était maîtresse et l’autre esclave. On disait du gouvernement qu’il était aristocratique quand les riches étaient au pouvoir, démocratique quand c’étaient les pauvres. En réalité, la vraie démocratie n’existait plus.

À partir du jour où les besoins et les intérêts matériels avaient fait irruption en elle, elle s’était altérée et corrompue. La démocratie avec les riches au pouvoir était devenue une oligarchie violente ; la démocratie des pauvres était devenue la tyrannie. Du cinquième au

    des révolutions avait commencé, que l’on marchait vers un terme où il n’y aurait que le travail qui pût sauver la société. Elle l’avait donc encouragé et rendu honorable. Solon avait prescrit que tout homme qui n’aurait pas un travail, fût privé des droits politiques. Périclès avait voulu qu’aucun esclave ne mît la main à la construction des grands monuments qu’il élevait, et il avait réservé tout ce travail aux hommes libres. La propriété était d’ailleurs tellement divisée qu’un recensement, qui fut fait à la fin du cinquième siècle, montra qu’il y avait dans la petite Attique plus de 10 000 propriétaires. Aussi Athènes, vivant sous un régime économique un peu meilleur que celui des autres cités, fut-elle moins violemment agitée que le reste de la Grèce ; les querelles des riches et des pauvres y furent plus calmes et n’aboutirent pas aux mêmes désordres.