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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

lorsqu’ils envahirent le Péloponèse. Quelle cause les avait fait sortir de leur pays ? Était-ce l’invasion d’un peuple étranger, était-ce une révolution intérieure ? on l’ignore. Ce qui paraît certain, c’est qu’à ce moment de l’existence du peuple dorien, l’ancien régime du γένος avait déjà disparu. On ne distingue plus chez lui cette antique organisation de la famille ; on ne trouve plus de traces du régime patriarcal, plus de vestiges de noblesse religieuse ni de clientèle héréditaire ; on ne voit que des guerriers égaux sous un roi. Il est donc probable qu’une première révolution sociale s’était déjà accomplie, soit dans la Doride, soit sur la route qui conduisit ce peuple jusqu’à Sparte. Si l’on compare la société dorienne du neuvième siècle avec la société ionienne de la même époque, on s’aperçoit que la première était beaucoup plus avancée que l’autre dans la série des changements. La race ionienne est entrée plus tard dans la route des révolutions ; il est vrai qu’elle l’a parcourue plus vite.

Si les Doriens, à leur arrivée à Sparte, n’avaient plus le régime du γένος, ils n’avaient pas pu s’en détacher encore si complétement qu’ils n’en eussent gardé quelques institutions, par exemple le droit d’aînesse et l’inaliénabilité du patrimoine. Ces institutions ne tardèrent pas à rétablir dans la société spartiate une aristocratie.

Toutes les traditions nous montrent qu’à l’époque où parut Lycurgue, il y avait deux classes parmi les Spartiates, et qu’elles étaient en lutte. La royauté avait une tendance naturelle à prendre parti pour la classe inférieure. Lycurgue, qui n’était pas roi, se fit le chef de l’aristocratie, et du même coup il affaiblit la royauté et mit le peuple sous le joug[1].

  1. Voy. plus haut, p. 307.