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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

milles. Enfin au-dessus de tout cela s’élevait la classe aristocratique, composée des hommes qu’on appelait les Égaux, ὅμοιοι. Ces hommes étaient en effet égaux entre eux, mais fort supérieurs à tout le reste. Le nombre des membres de cette classe ne nous est pas connu ; nous savons seulement qu’il était très-restreint. Un jour, un de leurs ennemis les compta sur la place publique, et il n’en trouva qu’une soixantaine au milieu d’une foule de 4 000 individus[1]. Ces Égaux avaient seuls part au gouvernement de la cité. « Être hors de cette classe, dit Xénophon, c’est être hors du corps politique[2]. » Démosthènes dit que l’homme qui entre dans la classe des Égaux, devient par cela seul « un des maîtres du gouvernement[3]. » « On les appelle Égaux, dit-il encore, parce que l’égalité doit régner entre les membres d’une oligarchie. »

Sur la composition de ce corps nous n’avons aucun renseignement précis. Il paraît qu’il se recrutait par voie d’élection ; mais le droit d’élire appartenait au corps lui-même, et non pas au peuple. Y être admis était ce qu’on appelait dans la langue officielle de Sparte le prix de la vertu. Nous ne savons pas ce qu’il fallait de richesse, de naissance, de mérite, d’âge, pour composer cette vertu. On voit bien que la naissance ne suffisait pas, puisqu’il y avait une élection ; on peut croire que c’était plutôt la richesse qui déterminait les choix, dans une ville « qui avait au plus haut degré l’amour de l’argent[4], et où tout était permis aux riches[5]. »

  1. Xénophon, Helléniq., III, 3, 5.
  2. Xénophon, Gouv. de Lacéd., 10.
  3. Démosthènes, in Leptin., 107.
  4. φιλοχρηματία Σπάρταν ἕλοι : c’était déjà un proverbe en Grèce au temps d’Aristote ; Zénobius, II, 24.
  5. Aristote, Pol., VIII, 6, 7 (V, 6).