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CH. XIII. RÉVOLUTIONS DE SPARTE.

ces propositions ; Agis avait peut-être pris ses mesures pour qu’elles fussent acceptées. Mais, les lois une fois votées, restait à les mettre à exécution ; or ces réformes sont toujours tellement difficiles à établir que les plus hardis y échouent. Agis, arrêté court par la résistance des éphores, fut contraint de sortir de la légalité : il déposa ces magistrats et en nomma d’autres de sa propre autorité ; puis il arma ses partisans et établit, durant une année, un régime de terreur. Pendant ce temps-là il put appliquer la loi sur les dettes et faire brûler tous les titres de créance sur la place publique. Mais il n’eut pas le temps de partager les terres. On ne sait si Agis hésita sur ce point et s’il fut effrayé de son œuvre, ou si l’oligarchie répandit contre lui d’habiles accusations ; toujours est-il que le peuple se détacha de lui et le laissa tomber. Les éphores l’égorgèrent, et le gouvernement aristocratique fut rétabli.

Cléomène reprit les projets d’Agis, mais avec plus d’adresse et moins de scrupules. Il commença par massacrer les éphores, supprima hardiment cette magistrature, qui était odieuse aux rois et au parti populaire, et proscrivit les riches. Après ce coup d’État, il opéra la révolution, décréta le partage des terres, et donna le droit de cité à quatre mille Laconiens. Il est digne de remarque que ni Agis ni Cléomène n’avouaient qu’ils faisaient une révolution, et que tous les deux, s’autorisant du nom du vieux législateur Lycurgue, prétendaient ramener Sparte aux antiques coutumes. Assurément la constitution de Cléomène en était fort éloignée. Le roi était véritablement un maître absolu : aucune autorité ne lui faisait contrepoids ; il régnait à la façon des tyrans qu’il y avait alors dans la plupart des villes grecques,