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CH. IV. L’ADOPTION ET L’ÉMANCIPATION.

texte précis ne prouve qu’il en fût de même dans l’ancien droit romain, et nous savons qu’au temps de Gaius un même homme pouvait avoir des fils par la nature et des fils par l’adoption. Il paraît pourtant que ce point n’était pas admis en droit au temps de Cicéron ; car dans un de ses plaidoyers l’orateur s’exprime ainsi : « Quel est le droit qui régit l’adoption ? Ne faut-il pas que l’adoptant soit d’âge à ne plus avoir d’enfants, et qu’avant d’adopter il ait cherché à en avoir ? Adopter, c’est demander à la religion et à la loi ce qu’on n’a pas pu obtenir de la nature[1]. » Cicéron attaque l’adoption de Clodius en se fondant sur ce que l’homme qui l’a adopté a déjà un fils, et il s’écrie que cette adoption est contraire au droit religieux.

Quand on adoptait un fils, il fallait avant tout l’initier à son culte, « l’introduire dans sa religion domestique, » « l’approcher de ses pénates[2]. » Aussi l’adoption s’opérait-elle par une cérémonie sacrée qui paraît avoir été fort semblable à celle qui marquait la naissance du fils. Par là le nouveau venu était admis au foyer et associé à la religion. Dieux, objets sacrés, rites, prières, tout lui devenait commun avec son père adoptif. On disait de lui in sacra transiit, il est passé au culte de sa nouvelle famille[3].

Par cela même il renonçait au culte de l’ancienne[4] Nous avons vu en effet que d’après ces vieilles croyances le même homme ne pouvait pas sacrifier à deux foyers ni honorer deux séries d’ancêtres. Admis dans une nou-

  1. Cic., Pro domo, 13, 14. Aulu-Gelle, V, 19.
  2. ἐπὶ τὰ ἱερὰ ἄγειν, Isée, VII. Venire in sacra, Cic., Pro domo, 13 ; in penates adsciscere, Tac., Hist., I, 15.
  3. Valère-Maxime, VII, 7. Cic., Pro domo, 13 : est heres sacrorum.
  4. Amissis sacris paternis, Cic., ibid.