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CH. VI. LE DROIT DE PROPRIÉTÉ.

crites pour l’Italie[1]. Avant Rome, nous trouvons le Terme chez les Sabins[2] ; nous le trouvons encore chez les Étrusques. Les Hellènes avaient aussi des bornes sacrées qu’ils appelaient ὅροι, θεοὶ ὅριοι[3].

Le Terme une fois posé suivant les rites, il n’était aucune puissance au monde qui pût le déplacer. Il devait rester au même endroit de toute éternité. Ce principe religieux était exprimé à Rome par une légende : Jupiter ayant voulu se faire une place sur le mont Capitolin pour y avoir un temple, n’avait pas pu déposséder le dieu Terme, et avait dû se résigner à le conserver pour voisin. Cette vieille tradition montre combien la propriété était sacrée ; car le Terme immobile ne signifie pas autre chose que la propriété inviolable.

Le Terme gardait en effet la limite du champ et veillait sur elle. Le voisin n’osait pas en approcher de trop près ; « car alors, comme dit Ovide, le dieu qui se sentait heurté par le soc ou le hoyau, criait : arrête, ceci est mon champ, voilà le tien[4]. » Pour empiéter sur le champ d’une famille, il fallait renverser ou déplacer une borne : or cette borne était un dieu. Le sacrilége était horrible et le châtiment sévère ; la vieille loi romaine disait : « Que l’homme et les bœufs qui auront touché le Terme, soient dévoués[5] ; » cela signifiait que l’homme et les bœufs seraient immolés en expiation. La loi étrusque, parlant au nom de la religion, s’exprimait ainsi : « Celui qui aura touché ou déplacé la borne, sera condamné par les dieux ; sa maison disparaîtra, sa race s’éteindra ; sa

  1. Lois de Manou, VIII, 245. Vrihaspati, cité par Sicé, Législat. hindoue, p. 159.
  2. Varron, De ling. lat., V, 74.
  3. Pollux, IX, 9. Hesych., ὅρος. Platon, Lois, VIII, p. 842.
  4. Ovid., Fast., II, 677.
  5. Festus, vo Terminus.