Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/101

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temps où il en était de même à Corinthe et à Thèbes[1]. Il est certain que la faculté de léguer arbitrairement ses biens ne fut pas reconnue d’abord comme un droit naturel ; le principe constant des époques anciennes fut que toute propriété devait rester dans la famille à laquelle la religion l’avait attachée.

Platon dans son traité des Lois, qui n’est en grande partie qu’un commentaire sur les lois athéniennes, explique très clairement la pensée des anciens législateurs. Il suppose qu’un homme, à son lit de mort, réclame la faculté de faire un testament et qu’il s’écrie : « Ô dieux, n’est-il pas bien dur que je ne puisse disposer de mon bien comme je l’entends et en faveur de qui il me plaît, laissant plus à celui-ci, moins à celui-là, suivant l’attachement qu’ils m’ont fait voir ? » Mais le législateur répond à cet homme : « Toi qui ne peux te promettre plus d’un jour, toi qui ne fais que passer ici-bas, est-ce bien à toi de décider de telles affaires ? Tu n’es le maître ni de tes biens ni de toi-même ; toi et tes biens, tout cela appartient à ta famille, c’est-à-dire à tes ancêtres et à ta postérité[2]. »

L’ancien droit de Rome est pour nous très obscur ; il l’était déjà pour Cicéron. Ce que nous en connaissons ne remonte guère plus haut que les Douze Tables, qui ne sont assurément pas le droit primitif de Rome, et dont il ne nous reste d’ailleurs que quelques débris. Ce code autorise le testament ; encore le fragment qui est relatif à cet objet, est-il trop court et trop évidemment incomplet pour que nous puissions nous flatter de connaître les vraies dispositions du législateur en cette matière ; en accordant la faculté de tester, nous ne savons pas quelles réserves et quelles conditions il pouvait y mettre[3]

  1. Aristote, Polit., II, 3, 4.
  2. Platon, Lois, XI.
  3. Uti legassit, ita jus esto. Si nous n’avions de la loi de Solon que les mots διάθεσθαι όπως άν έθεδη, nous supposerions aussi que le