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maison paternelle ; avantage matériellement considérable, et plus considérable encore au point de vue religieux ; car la maison paternelle contenait l’ancien foyer de la famille. Tandis que le cadet, au temps de Démosthène, allait allumer un foyer nouveau, l’aîné, seul véritablement héritier, restait en possession du foyer paternel et du tombeau des ancêtres ; seul aussi il gardait le nom de la famille[1]. C’étaient les vestiges d’un temps où il avait eu seul le patrimoine.

On peut remarquer que l’iniquité du droit d’aînesse, outre qu’elle ne frappait pas les esprits sur lesquels la religion était toute puissante, était corrigée par plusieurs coutumes des anciens. Tantôt le cadet était adopté dans une famille et il en héritait ; tantôt il épousait une fille unique ; quelquefois enfin il recevait le lot de terre d’une famille éteinte. Toutes ces ressources faisant défaut, les cadets étaient envoyés en colonie.

Pour ce qui est de Rome, nous n’y trouvons aucune loi qui se rapporte au droit d’aînesse. Mais il ne faut pas conclure de là qu’il ait été inconnu dans l’antique Italie. Il a pu disparaître et le souvenir même s’en effacer. Ce qui permet de croire qu’au delà des temps à nous connus il avait été en vigueur, c’est que l’existence de la gens romaine et sabine ne s’expliquerait pas sans lui. Comment une famille aurait-elle pu arriver à contenir plusieurs milliers de personnes libres, comme la famille Claudia, ou plusieurs centaines de combattants, tous patriciens, comme la famille Fabia, si le droit d’aînesse n’en eût maintenu l’unité pendant une longue suite de générations et ne l’eût accrue de siècle en siècle en l’empêchant de se démembrer ? Ce vieux droit d’aînesse se prouve par ses conséquences et, pour ainsi dire, par ses œuvres[2]

  1. Démosthène, in Bœot.,de nomine.
  2. La vieille langue latine en a conservé d’ailleurs un vestige qui,