Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/166

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forme la phratrie avec son dieu, Θεὸς φράτριος, Juno curialis. Vient ensuite la tribu et le dieu de la tribu, Θεὸς φύλιος. On arrive enfin à la cité, et l’on conçoit un dieu dont la providence embrasse cette cité entière, Θεὸς πολιύς, penates publici. Hiérarchie de croyances, hiérarchie d’association. L’idée religieuse a été, chez les anciens, le souffle inspirateur et organisateur de la société.

Les traditions des Hindous, des Grecs, des Étrusques racontaient que les dieux avaient révélé aux hommes les lois sociales. Sous cette forme légendaire il y a une vérité. Les lois sociales ont été l’œuvre des dieux ; mais ces dieux si puissants et si bienfaisants n’étaient pas autre chose que les croyances des hommes.

Tel a été le mode d’enfantement de l’État chez les anciens ; cette étude était nécessaire pour nous rendre compte tout à l’heure de la nature et des institutions de la cité. Mais il faut faire ici une réserve. Si les premières cités se sont formées par la confédération de petites sociétés constituées antérieurement, ce n’est pas à dire que toutes les cités à nous connues aient été formées de la même manière. L’organisation municipale une fois trouvée, il n’était pas nécessaire que pour chaque ville nouvelle on recommençât la même route longue et difficile. Il put même arriver assez souvent que l’on suivit l’ordre inverse. Lorsqu’un chef, sortant d’une ville déjà constituée, en alla fonder une autre, il n’emmena d’ordinaire avec lui qu’un petit nombre de ses concitoyens, et il s’adjoignit beaucoup d’autres hommes qui venaient de divers lieux et pouvaient même appartenir à des races diverses. Mais ce chef ne manqua jamais de constituer le nouvel État à l’image de celui qu’il venait de quitter. En conséquence, il partagea son peuple en tribus et en phratries. Chacune de ces petites associations eut un autel, des sacrifices, des fêtes ; chacune imagina