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Comme les dieux étaient pour toujours attachés à la ville, le peuple ne devait pas non plus quitter l’endroit où ses dieux étaient fixés. Il y avait à cet égard un engagement réciproque, une sorte de contrat entre les dieux et les hommes. Les tribuns de la plèbe disaient un jour que Rome, dévastée par les Gaulois, n’était plus qu’un monceau de ruines, qu’à cinq lieues de là il existait une ville toute bâtie, grande et belle, bien située et vide d’habitants depuis que les Romains en avaient fait la conquête ; qu’il fallait donc laisser là Rome détruite et se transporter à Veii. Mais le pieux Camille leur répondit : « Notre ville a été fondée religieusement ; les dieux mêmes en ont marqué la place et s’y sont établis avec nos pères. Toute ruinée qu’elle est, elle est encore la demeure de nos dieux nationaux. » Les Romains restèrent à Rome.

Quelque chose de sacré et de divin s’attachait naturellement à ces villes que les dieux avaient élevées[1] et qu’ils, continuaient à remplir de leur présence. On sait que les traditions romaines promettaient à Rome l’éternité. Chaque ville avait des traditions semblables. On bâtissait toutes les villes pour être éternelles.


CHAPITRE V.

Le culte du fondateur ; la légende d’Énée.

Le fondateur était l’homme qui accomplissait l’acte religieux sans lequel une ville ne pouvait pas être. C’était lui qui posait le foyer où devait brûler éternellement le feu sacré ; c’était lui qui par ses prières et ses rites appelait les dieux et les fixai pour toujours dans la ville nouvelle.

  1. Neptunia Troja, θεόδμητοι ΑΘήναι. Voy. Théognis, 755 (Welcker).