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porc, un taureau (suovetaurile) ; la réunion de ces trois animaux constituait chez les Grecs comme chez les Romains un sacrifice expiatoire. Des prêtres et des victimaires suivaient la procession ; quand le troisième tour était achevé, le magistrat prononçait une formule de prière, et il immolait les victimes[1]. À partir de ce moment, toute souillure était effacée, toute négligence dans le culte réparée, et la cité était en paix avec ses dieux.

Pour un acte de cette nature et d’une telle importance, deux choses étaient nécessaires : l’une était qu’aucun étranger ne se glissât parmi les citoyens, ce qui eût troublé la cérémonie ; l’autre était que tous les citoyens y soient présents, sans quoi la cité aurait pu garder quelque souillure. Il fallait donc que cette cérémonie religieuse fût précédée d’un dénombrement des citoyens. À Rome et à Athènes on les comptait avec un soin très scrupuleux ; il est probable que leur nombre était prononcé par le magistrat dans la formule de prière, comme il était ensuite inscrit dans le compte rendu que le censeur rédigeait de la cérémonie.

La perte du droit de cité était la punition de l’homme qui ne s’était pas fait inscrire. Cette sévérité s’explique. L’homme qui n’avait pas pris part à l’acte religieux, qui n’avait pas été purifié, pour qui la prière n’avait pas été dite ni la victime immolée, ne pouvait plus être un membre de la cité. Vis-à-vis des dieux, qui avaient été présents à la cérémonie, il n’était plus citoyen[2].

  1. Varron, L. L., VI, 86. Valère Maxime, V ; 1, 10. Tite Live, I, 44 ; III, 22 ; VI, 27. Properce, IV, 1, 20. Servius, ad Eclog., X, 55 ; ad Æn., VIII, 231. Tite Live attribue cette institution au roi Servius ; on peut croire qu’elle est plus vieille que Rome, et, qu’elle existait dans toutes les villes aussi bien qu’à Rome. Ce qui l’a fait attribuer à Servius, c’est précisément qu’il l’a modifiée, comme nous le verrons plus tard.
  2. Les citoyens absents de Rome devaient y revenir pour la lustration ; aucun motif ne pouvait les en dispenser. Velleius, II, 15.