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suspendent alors de la royauté, jusqu’à ce qu’un oracle venu de Delphes les relève de leur déchéance.[1] »


Autorité politique du roi

De même que dans la famille l’autorité était inhérente au sacerdoce et que le père, à titre de chef du culte domestique, était en même temps juge et maître, de même le grand-prêtre de la cité en fut aussi le chef politique. L’autel, suivant l’expression d’Aristote, lui conféra la dignité et la puissance. Cette confusion du sacerdoce et du pouvoir n’a rien qui doive surprendre. On la trouve à l’origine de presque toutes les sociétés, soit que, dans l’enfance des peuples il n’y ait que la religion qui puisse obtenir d’eux l’obéissance, soit que notre nature éprouve le besoin de ne se soumettre jamais à d’autre empire qu’à celui d’une idée morale.

Nous avons dit combien la religion de la cité se mêlait à toutes choses. L’homme se sentait à tout moment dépendre de ses dieux et par conséquent de ce prêtre qui était placé entre eux et lui. C’était ce prêtre qui veillait sur le feu sacré ; c’était, comme dit Pindare, son culte de chaque jour qui sauvait chaque jour la cité[2]. C’était lui qui connaissait les formules de prière auxquelles les dieux ne résistaient pas ; au moment du combat, c’était lui qui égorgeait la victime et qui attirait sur l’armée la protection des dieux. Il était bien naturel qu’un homme armé d’une telle puissance fût accepté et reconnu comme chef. De ce que la religion se mêlait au gouvernement, à la justice, à la guerre, il résulta nécessairement que le prêtre fut en même temps magistrat, juge et chef militaire. « Les rois

  1. Plutarque, Agis., 11.
  2. Pindare, Ném., XI, 5.