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cienne Italie ; leur histoire ne commence pas par des conflits ; les révolutions n’ont paru qu’à la fin. Chez ces populations, la société s’est formée lentement, longuement, par degrés, en passant de la famille à la tribu et de la tribu à la cité, mais sans secousses et sans luttes. La royauté s’est établie tout naturellement, dans la famille d’abord, dans la cité plus tard. Elle ne fut pas imaginée par l’ambition de quelques-uns ; elle naquit d’une nécessité qui était manifeste aux yeux de tous. Pendant de longs siècles elle fut paisible, honorée, obéie. Les rois n’avaient pas besoin de la force matérielle ; ils n’avaient ni armée ni finances ; mais, soutenue par des croyances qui étaient puissantes sur l’âme, leur autorité était sainte et inviolable.

Une révolution, dont nous parlerons plus loin, renversa la royauté dans toutes les villes. Mais en tombant elle ne laissa aucune haine dans le cœur des hommes. Ce mépris mêlé de rancune qui s’attache d’ordinaire aux grandeurs abattues, ne la frappa jamais. Toute déchue qu’elle était, le respect et l’affection des hommes restèrent attachés à sa mémoire. On vit même en Grèce une chose qui n’est pas très commune dans l’histoire, c’est que dans les villes où la famille royale ne s’éteignit pas, non seulement elle ne fut pas expulsée, mais les mêmes hommes qui l’avaient dépouillée du pouvoir, continuèrent à l’honorer. À Éphèse, à Marseille, à Cyrène, la famille royale, privée de sa puissance, resta entourée du respect des peuples et garda même le titre et les insignes de la royauté.[1]

Les peuples établirent le régime républicain ; mais le nom de roi, loin de devenir une injure, resta un titre vénéré. On a l’habitude de dire que ce mot était odieux et méprisé : singulière erreur ! les Romains l’appliquaient aux dieux dans leurs prières. Si les

  1. Strabon, IV, 171 ; XIV, 632 ; XIII, 608. Athénée, VIII, 576.