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ferment le port et détruisent sa flotte. Il ne reste plus qu’à faire retraite par terre, chose impossible ; ni lui ni aucun de ses soldats n’échappe aux Syracusains.

Que dirent les Athéniens à la nouvelle du désastre ? Ils savaient le courage personnel de Nicias et son admirable constance. Ils ne songèrent pas non plus à le blâmer d’avoir suivi les arrêts de la religion. Ils ne trouvèrent qu’une chose à lui reprocher, c’était d’avoir emmené un devin ignorant. Car le devin s’était trompé sur le présage de l’éclipse de lune ; il aurait dû savoir que, pour une armée qui veut faire retraite, la lune qui cache sa lumière est un présage favorable[1].


Chapitre XVII

De l’omnipotence de l’État ; les anciens n’ont pas connu la liberté individuelle.

La cité avait été fondée sur une religion et constituée comme une Église. De là sa force ; de là aussi son omnipotence et l’empire absolu qu’elle exerçait sur ses membres. Dans une société établie sur de tels principes, la liberté individuelle ne pouvait pas exister. Le citoyen était soumis en toutes choses et sans nulle réserve à la cité ; il lui appartenait tout entier. La religion qui avait enfanté l’État, et l’État qui entretenait la religion, se soutenaient l’un l’autre et ne faisaient qu’un ; ces deux puissances, associées et confondues, formaient une puissance presque surhumaine à laquelle l’âme et le corps étaient également asservis.

Il n’y avait rien dans l’homme qui fût indépendant. Son corps appartenait à l’État et était voué à

  1. Plutarque, Nicias, 23.