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issait de décrire l’organisme primitif de la cité, et les classes inférieures ne comptaient absolument pour rien dans cet organisme. La cité s’était constituée comme si ces classes n’eussent pas existé. Nous pouvions donc attendre pour les étudier que nous fussions arrivé à l’époque des révolutions.

La cité antique, comme toute société humaine, présentait des rangs, des distinctions, des inégalités. On connaît à Athènes la distinction originaire entre les Eupatrides et les Thètes ; à Sparte on trouve la classe des Égaux et celle des Inférieurs, en Eubée celle des chevaliers et celle du peuple. L’histoire de Rome est pleine de la lutte entre les patriciens et les plébéiens, lutte que l’on retrouve dans toutes les cités sabines, latines et étrusques. On peut même remarquer que plus haut on remonte dans l’histoire de la Grèce et de l’Italie, plus la distinction apparaît profonde et les rangs fortement marqués : preuve certaine que l’inégalité ne s’est pas formée à la longue, mais qu’elle a existé dès l’origine et qu’elle est contemporaine de la naissance des cités.

Il importe de rechercher sur quels principes reposait cette division des classes. On pourra voir ainsi plus facilement en vertu de quelles idées ou de quels besoins les luttes vont s’engager, ce que les classes inférieures vont réclamer et au nom de quels principes les classes supérieures défendront leur empire.

On a vu plus haut que la cité était née de la confédération des familles et des tribus. Or, avant le jour où la cité se forma, la famille contenait déjà en elle-même cette distinction de classes. En effet la famille ne se démembrait pas ; elle était indivisible comme la religion primitive du foyer. Le fils aîné, succédant seul au père, prenait en main le sacerdoce, la propriété, l’autorité, et ses frères étaient à son égard ce qu’ils avaient été à l’égard du père. De génération en génération, d’aîné en aîné, il n’y avait toujours qu’un chef de famille ; il présidait au sacri-