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en fils ; maintenant la condition d’affranchi cesse à la seconde ou au moins à la troisième génération. La clientèle n’a donc pas disparu ; elle saisit encore l’homme au moment où la servitude le quitte ; seulement, elle n’est plus héréditaire. Cela seul est déjà un changement considérable ; il est impossible de dire à quelle époque il s’est opéré.

On peut bien discerner les adoucissements successifs qui furent apportés au sort du client, et par quels degrés il est arrivé au droit de propriété. À l’origine le chef de la gens lui assigne un lot de terre à cultiver[1]. Il ne tarde guère à devenir possesseur viager de ce lot, moyennant qu’il contribue à toutes les dépenses qui incombent à son ancien maître. Les dispositions si dures de la vieille loi qui l’obligent à payer la rançon du patron, la dot de sa fille, ou ses amendes judiciaires, prouvent du moins qu’au temps où cette loi fut écrite il était déjà possesseur viager du sol. Le client fait ensuite un progrès de plus : il obtient le droit, en mourant, de transmettre le lot à son fils ; il est vrai qu’à défaut de fils la terre retourne encore au patron. Mais voici un progrès nouveau : le client qui ne laisse pas de fils, obtient le droit de faire un testament. Ici la coutume hésite et varie ; tantôt le patron reprend la moitié des biens, tantôt la volonté du testateur est respectée tout entière ; en tout cas, son testament n’est jamais sans valeur[2]. Ainsi le client, s’il ne peut pas encore se dire propriétaire, a du moins une jouissance aussi étendue qu’il est possible.

Sans doute ce n’est pas encore là l’affranchissement complet. Mais aucun document ne nous permet de fixer l’époque où les clients se sont définitivement détachés des familles patriciennes. Il y a un texte de Tite-Live (II, 16) qui, si on le prend à la

  1. Festus, v° Patres.
  2. Institutes de Justinien, III, 7.