Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/343

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patricienne. Tantôt le plébéien, sans avoir de culte domestique, eut accès aux temples de la cité ; à Rome, ceux qui n’avaient pas de foyer, par conséquent pas de fête domestique, offraient leur sacrifice annuel au dieu Quirinus.[1] Quand la classe supérieure persistait à écarter de ses temples la classe inférieure, celle-ci se faisait des temples pour elle ; à Rome elle en avait un sur l’ Aventin, qui était consacré à Diana ; elle avait le temple de la pudeur plébéienne. Les cultes orientaux qui, à partir du sixième siècle, envahirent la Grèce et l’Italie, furent accueillis avec empressement par la plèbe ; c’étaient des cultes qui, comme le bouddhisme, ne faisaient acception ni de castes ni de peuples. Souvent enfin on vit la plèbe se faire des objets sacrés analogues aux dieux des curies et des tribus patriciennes. Ainsi le roi Servius éleva un autel dans chaque quartier, pour que la multitude eût l’occasion de faire des sacrifices ; de même les Pisistratides dressèrent des hermès dans les rues et sur les places d’Athènes.[2] Ce furent là les dieux de la démocratie. La plèbe, autrefois foule sans culte, eut dorénavant ses cérémonies religieuses et ses fêtes. Elle put prier ; c’était beaucoup dans une société où la religion faisait la dignité de l’homme. Une fois que la classe inférieure eut achevé ces différents progrès, quand il y eut en elle des riches, des soldats, des prêtres, quand elle eut tout ce qui donne à l’homme le sentiment de sa valeur et de sa force, quand enfin elle eut obligé la classe supérieure à la compter pour quelque chose, il fut alors impossible de la retenir en dehors de la vie sociale et politique, et la cité ne put pas lui rester fermée plus longtemps. L’entrée de cette classe inférieure dans la cité est une révolution qui, du septième au cinquième siècle, a

  1. Varron, de Ling. lat., VI, 13.
  2. Denys, IV, 5. Platon, Hipparque.