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meure sans adresser une prière au foyer ; à son retour, avant de revoir sa femme et d’embrasser ses enfants, il devait s’incliner devant le foyer et l’invoquer[1].

Le feu du foyer était donc la Providence de la famille. Son culte était fort simple. La première règle était qu’il y eût toujours sur l’autel quelques charbons ardents ; car si le feu s’éteignait, c’était un dieu qui cessait d’être. À certains moments de la journée, on posait sur le foyer des herbes sèches et du bois ; alors le dieu se manifestait en flamme éclatante. On lui offrait des sacrifices ; or l’essence de tout sacrifice était d’entretenir et de ranimer ce feu sacré, de nourrir et de développer le corps du dieu. C’est pour cela qu’on lui donnait avant toutes choses le bois ; c’est pour cela qu’ensuite on versait sur l’autel le vin brûlant de la Grèce, l’huile, l’encens, la graisse des victimes. Le dieu recevait ces offrandes, les dévorait ; satisfait et radieux, il se dressait sur l’autel et il illuminait son adorateur de ses rayons. C’était le moment de l’invoquer ; l’hymne de la prière sortait du cœur de l’homme.

Le repas était l’acte religieux par excellence. Le dieu y présidait. C’était lui qui avait cuit le pain et préparé les aliments[2] ; aussi lui devait-on une prière au commencement et à la fin du repas. Avant de manger, on déposait sur l’autel les prémices de la nourriture ; avant de boire, on répandait la libation de vin. C’était la part du dieu. Nul ne doutait qu’il ne fût présent, qu’il ne mangeât et ne bût ; et, de fait, ne voyait-on pas la flamme grandir comme si elle se fût nourrie des mets offerts ? Ainsi le repas était partagé entre l’homme et le dieu : c’était une cérémonie sainte, par laquelle ils entraient en communion ensemble[3]. Vieilles croyances, qui à la

  1. Caton, De re rust., 2. Euripide, Hercul. fur., 523.
  2. Ovide, Fastes, VI, 315.
  3. Plutarque, Quest. rom., 64 ; Comm. sur Hésiode, 44. Hymnes homér., 29.