Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/360

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chose que la réunion des chefs des gentes. Il n’entrait pas dans son esprit qu’il pût y avoir un autre système politique que celui qui reposait sur le culte, d’autres magistrats que ceux qui accomplissaient les sacrifices publics, d’autres lois que celles dont la religion avait dicté les saintes formules. Il ne fallait même pas lui objecter que les plébéiens avaient aussi, depuis peu, une religion, et qu’ils faisaient des sacrifices aux Lares des carrefours. Car il eût répondu que ce culte n’avait pas le caractère essentiel de la véritable religion, qu’il n’était pas héréditaire, que ces foyers n’étaient pas des feux antiques, et que ces dieux Lares n’étaient pas de vrais ancêtres. Il eût ajouté que les plébéiens, en se donnant un culte, avaient fait ce qu’ils n’avaient pas le droit de faire ; que pour s’en donner un, ils avaient violé tous les principes, qu’ils n’avaient pris que les dehors du culte et en avaient retranché le principe essentiel qui était l’hérédité, qu’enfin leur simulacre de religion était absolument l’opposé de la religion.

Dès que le patricien s’obstinait à penser que la religion héréditaire devait seule gouverner les hommes, il en résultait qu’il ne voyait pas de gouvernement possible pour la plèbe. Il ne concevait pas que le pouvoir social pût s’exercer régulièrement sur cette classe d’hommes. La loi sainte ne pouvait pas leur être appliquée ; la justice était un terrain sacré qui leur était interdit. Tant qu’il y avait eu des rois, ils avaient. pris sur eux de régir la plèbe, et ils l’avaient fait d’après certaines règles qui n’avaient rien de commun avec l’ancienne religion, et que le besoin ou l’intérêt public avait fait trouver. Mais par la révolution, qui avait chassé les rois, la religion avait repris l’empire, et il était arrivé forcément que toute la classe plébéienne avait été rejetée en dehors des lois sociales.

Le patriciat s’était fait alors un gouvernement conforme à ses propres principes ; mais il ne songeait pas