Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/378

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qui avait entre toutes le plus d’importance, celle qui consistait à faire la lustration des citoyens ; ainsi furent établis les censeurs. Dans un moment où il lui semblait trop difficile de résister aux vœux des plébéiens, il remplaça le consulat par le tribunat militaire. La plèbe montra d’ailleurs une grande patience ; elle attendit soixante-quinze ans que son désir fût réalisé. Il est visible qu’elle mettait moins d’ardeur à obtenir ces hautes magistratures qu’elle n’en avait mis à conquérir le tribunat et un code.

Mais si la plèbe était assez indifférente, il y avait une aristocratie plébéienne qui avait de l’ambition. Voici une légende de cette époque : Fabius Ambustus, un des patriciens les plus distingués, avait marié ses deux filles, l’une à un patricien qui devint tribun militaire, l’autre à Licinius Stolon, homme fort en vue, mais plébéien. Celle-ci se trouvait un jour chez sa sœur, lorsque les licteurs ramenant le tribun militaire à sa maison frappèrent la porte de leurs faisceaux. Comme elle ignorait cet usage, elle eut peur. Les rires et les questions ironiques de sa sœur lui apprirent combien un mariage plébéien l’avait fait déchoir, en la plaçant dans une maison où les dignités et les honneurs ne devaient jamais entrer. Son père devina son chagrin, la consola et lui promit qu’elle verrait un jour chez elle ce qu’elle venait de voir dans la maison de sa soeur. Il s’entendit avec son gendre, et tous les deux travaillèrent au même dessein. Cette légende nous apprend deux choses : l’une, que l’aristocratie plébéienne, à force de vivre avec les patriciens, prenait leur ambition et aspirait à leurs dignités ; l’autre, qu’il se trouvait des patriciens pour encourager et exciter l’ambition de cette nouvelle aristocratie, qui s’était unie à eux par les liens les plus étroits.

Il paraît que Licinius et Sextius, qui s’était joint à lui, ne comptaient pas que la plèbe fît de grands efforts pour leur donner le droit d’être consuls. Car ils