Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/383

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trouvait injuste, et dès lors il devenait impossible qu’il restât debout.

Si l’on se place à l’époque où la plèbe a grandi et est entrée dans le corps politique, et que l’on compare le droit de cette époque au droit primitif, de graves changements apparaissent tout d’abord. Le premier et le plus saillant est que le droit a été rendu public et est connu de tous. Ce n’est plus ce chant sacré et mystérieux que l’on se disait d’âge en âge avec un pieux respect, que les prêtres seuls écrivaient et que les hommes des familles religieuses pouvaient seuls connaître. Le droit est sorti des rituels et des livres des prêtres ; il a perdu son religieux mystère ; c’est une langue que chacun peut lire et peut parler.

Quelque chose de plus grave encore se manifeste dans ces codes. La nature de la loi et son principe ne sont plus les mêmes que dans la période précédente. Auparavant la loi était un arrêt de la religion ; elle passait pour une révélation faite par les dieux aux ancêtres, au divin fondateur, aux rois sacrés, aux magistrats-prêtres. Dans les codes nouveaux, au contraire, ce n’est plus au nom des dieux que le législateur parle ; les Décemvirs de Rome ont reçu leur pouvoir du peuple ; c’est aussi le peuple qui a investi Solon du droit de faire des lois. Le législateur ne représente donc plus la tradition religieuse, mais la volonté populaire. La loi a dorénavant pour principe l’intérêt des hommes, et pour fondement l’assentiment du plus grand nombre.

De là deux conséquences. D’abord, la loi ne se présente plus comme une formule immuable et indiscutable. En devenant œuvre humaine, elle se reconnaît sujette au changement. Les Douze Tables le disent : Ce que les suffrages du peuple ont ordonné en dernier lieu, c’est la loi.[1] De tous les textes

  1. Tite Live, VII, 17 ; IX, 33. 34.