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fatale, άνάγχη, que l’on aperçut de bonne heure entre les phénomènes de la nature physique. Elle fut l’ordre moral. On se la figura comme une sorte d’âme universelle qui réglait les mouvements divers des mondes, comme l’âme humaine mettait la règle parmi nos organes.

Ainsi la pensée des générations primitives se laisse entrevoir. Le principe de ce culte est en dehors de la nature physique et se trouve dans ce petit monde mystérieux qui est l’homme.

Ceci nous ramène au culte des morts. Tous les deux sont de la même antiquité. Ils étaient associés si étroitement que la croyance des anciens n’en faisait qu’une religion. Foyer, Démons, Héros, dieux Lares, tout cela était confondu[1]. On voit par deux passages de Plaute et de Columelle que dans le langage ordinaire on disait indifféremment foyer ou Lare domestique, et l’on voit encore par Cicéron que l’on ne distinguait pas le foyer des Pénates, ni les Pénates des dieux Lares[2]. Nous lisons dans Servius : « Par foyers les anciens entendaient les dieux Lares ; ainsi Virgile a-t-il pu mettre indifféremment, tantôt foyer pour Pénates, tantôt Pénates pour foyers[3]. » Dans un passage fameux de l’Énéide, Hector dit à Énée qu’il va lui remettre les Pénates troyens, et c’est le feu du foyer qu’il lui remet. Dans un autre passage, Énée invoquant ces mêmes dieux les appelle à la fois Pénates, Lares et Vesta[4].

Nous avons vu d’ailleurs que ceux que les anciens appelaient Lares ou Héros, n’étaient autres que les âmes des morts auxquelles l’homme attri-

  1. Tibulle, II, 2. Horace, Odes, IV, ii. Ovide, Trist., III, 13 ; V, 5. Les Grecs donnaient à leurs dieux domestiques ou héros l’épithète de έφέστιοι ou έστιόύχοι.
  2. Plaute, Aulul., II, 7, 16 : In foco nostro Lari. Columèle, XI, I, 19 : Larem focumque familiarem. Cicéron, Pro domo, 41 ; Pro Quintio, 27, 28.
  3. Servius, in Æeneid, III, 134.
  4. Virgile, IX, 259 ; V, 744.