Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/418

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fonctionnaire public de nos jours, se devait tout entier à l’État. Il lui donnait son sang dans la guerre, son temps pendant la paix. Il n’était pas libre de laisser de côté les affaires publiques pour s’occuper avec plus de soin des siennes. C’étaient plutôt les siennes qu’il devait négliger pour travailler au profit de la cité. Les hommes passaient leur vie à se gouverner. La démocratie ne pouvait durer que sous la condition du travail incessant de tous ses citoyens. Pour peu que le zèle se ralentît, elle devait périr ou se corrompre.


Chapitre XII — Riches et pauvres ; la démocratie périt ; les tyrans populaires

Lorsque la série des révolutions eut amené l’égalité entre les hommes et qu’il n’y eut plus lieu de se combattre pour des principes et des droits, les hommes se firent la guerre pour des intérêts. Cette période nouvelle de l’histoire des cités ne commença pas pour toutes en même temps. Dans les unes elle suivit de très près l’établissement de la démocratie ; dans les autres elle ne parut qu’après plusieurs générations qui avaient su se gouverner avec calme. Mais toutes les cités, tôt ou tard, sont tombées dans ces déplorables luttes.

A mesure que l’on s’était éloigné de l’ancien régime, il s’était formé une classe pauvre. Auparavant, lorsque chaque homme faisait partie d’un γένος et avait son maître, la misère était presque inconnue. L’homme était nourri par son chef ; celui à qui il donnait son obéissance, lui devait en retour de subvenir à tous ses besoins. Mais les révolutions, qui avaient dissous le γένος, avaient aussi changé les conditions de la vie humaine. Le jour où l’homme s’était affranchi des liens de la clientèle, il avait vu se