Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/422

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en cela ni illégalité ni injustice. Ce que l’État avait prononcé, était le droit. Cette absence de liberté individuelle a été une cause de malheurs et de désordres pour la Grèce. Rome, qui respectait un peu plus le droit de l’homme, a aussi moins souffert.

Plutarque raconte qu’à Mégare, après une insurrection, on décréta que les dettes seraient abolies, et que les créanciers, outre la perte du capital, seraient tenus de rembourser les intérêts déjà payés.[1]

A Mégare, comme dans d’autres villes, dit Aristote[2], le parti populaire s’étant emparé du pouvoir, commença par prononcer la confiscation des biens contre quelques familles riches. Mais une fois dans cette voie, il ne lui fut pas possible de s’arrêter. Il fallut faire chaque jour quelque nouvelle victime ; et à la fin le nombre de riches qu’on dépouilla et qu’on exila devint si grand, qu’ils formèrent une armée.

En 412, le peuple de Samos fit périr deux cents de ses adversaires, en exila quatre cents autres, et se partagea leurs terres et leurs maisons.[3]

A Syracuse, le peuple fut à peine délivré du tyran Denys que dès la première assemblée il décréta le partage des terres.[4]

Dans cette période de l’histoire grecque, toutes les fois que nous voyons une guerre civile, les riches sont dans un parti et les pauvres dans l’autre. Les pauvres veulent s’emparer de la richesse, les riches veulent la conserver ou la reprendre. Dans toute guerre civile, dit un historien grec, il s’agit de déplacer les fortunes.[5] Tout démagogue faisait comme ce Molpagoras de Cios[6], qui livrait à la multitude ceux

  1. Plutarque, Quest. grecq., 18.
  2. Aristote, Politique, VIII, 4 (V, 4).
  3. Thucydide, VIII, 21
  4. Plutarque, Dion, 37, 48.
  5. Polybe, XV, 21.
  6. Polybe, VII, 10.