Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/425

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étaient les pauvres. En réalité, la vraie démocratie n’existait plus.

A partir du jour où les besoins et les intérêts matériels avaient fait irruption en elle, elle s’était altérée et corrompue. La démocratie avec les riches au pouvoir était devenue une oligarchie violente ; la démocratie des pauvres était devenue la tyrannie. Du cinquième au deuxième siècle avant notre ère, nous voyons dans toutes les cités de la Grèce et de l’Italie, Rome encore exceptée, que les formes républicaines sont mises en péril et qu’elles sont devenues odieuses à un parti. Or on peut distinguer clairement qui sont ceux qui veulent les détruire, et qui sont ceux qui les voudraient conserver. Les riches, plus éclairés et plus fiers, restent fidèles au régime républicain, pendant que les pauvres, pour qui les droits politiques ont moins de prix, se donnent volontiers pour chef un tyran. Quand cette classe pauvre, après plusieurs guerres civiles, reconnut que ses victoires ne servaient de rien, que le parti contraire revenait toujours au pouvoir, et qu’après de longues alternatives de confiscations et de restitutions, la lutte était toujours à recommencer, elle imagina d’établir un régime monarchique qui fût conforme à ses intérêts, et qui, en comprimant à jamais le parti, contraire, lui assurât pour l’avenir les bénéfices de sa victoire. Elle créa ainsi des tyrans. A partir de ce moment, les partis changèrent de nom : on ne fut plus aristocrate ou démocrate ; on combattit pour la liberté, ou on combattit pour la tyrannie. Sous ces deux mots, c’étaient encore la richesse et la pauvreté qui se faisaient la guerre. Liberté signifiait le gouvernement où les riches avaient le dessus et défendaient leur fortune ; tyrannie indiquait exactement le contraire.

C’est un fait général et presque sans exception dans l’histoire de la Grèce et de l’Italie, que les tyrans sortent du parti populaire et ont pour ennemi le