Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/435

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d’adresse et moins de scrupules. Il commença par massacrer les éphores, supprima hardiment cette magistrature, qui était odieuse aux rois et au parti populaire, et proscrivit les riches. Après ce coup d’État, il opéra la révolution, décréta le partage des terres, et donna le droit de cité à quatre mille Laconiens. Il est digne de remarque que ni Agis ni Cléomène n’avouaient qu’ils faisaient une révolution, et que tous les deux, s’autorisant du nom du vieux législateur Lycurgue, prétendaient ramener Sparte aux antiques coutumes. Assurément la constitution de Cléomène en était fort éloignée. Le roi était véritablement un maître absolu ; aucune autorité ne lui faisait contrepoids ; il régnait à la façon des tyrans qu’il y avait alors dans la plupart des villes grecques, et le peuple de Sparte, satisfait d’avoir obtenu des terres, paraissait se soucier fort peu des libertés politiques. Cette situation ne dura pas longtemps. Cléomène voulut étendre le régime démocratique à tout le Péloponnèse, où Aratus, précisément à cette époque, travaillait à établir un régime de liberté et de sage aristocratie. Dans toutes les villes, le parti populaire s’agita au nom de Cléomène, espérant obtenir, comme à Sparte, une abolition des dettes et un partage des terres. C’est cette insurrection imprévue des basses classes qui obligea Aratus à changer tous ses plans ; il crut pouvoir compter sur la Macédoine, dont le roi Antigone Boson avait alors pour politique de combattre partout les tyrans et le parti populaire, et il l’introduisit dans le Péloponnèse. Antigone et les Achéens vainquirent Cléomène à Sellasie. La démocratie spartiate fut encore une fois abattue, et les Macédoniens rétablirent l’ancien gouvernement (222 ans avant Jésus-Christ).

Mais l’oligarchie ne pouvait plus se soutenir. Il y eut de longs troubles ; une année, trois éphores qui étaient favorables au parti populaire, massacrèrent leurs deux collègues ; l’année suivante, les cinq éphores