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isolées, Rome avait l’adresse ou la bonne fortune de l’employer à tout attirer à elle et à tout dominer.

3° Comment Rome a acquis l’empire (350-140 avant Jésus-Christ)

Pendant que Rome s’agrandissait ainsi lentement, par les moyens que la religion et les idées d’alors mettaient à sa disposition, une série de changements sociaux et politiques se déroulait dans toutes les cités et dans Rome même, transformant à la fois le gouvernement des hommes et leur manière de penser. Nous avons retracé plus haut cette révolution ; ce qu’il importe de remarquer ici, c’est qu’elle coïncide avec le grand développement de la puissance romaine. Ces deux faits qui se sont produits en même temps, n’ont pas été sans avoir quelque action l’un sur l’autre. Les conquêtes de Rome n’auraient pas été si faciles, si le vieil esprit municipal ne s’était pas alors éteint partout ; et l’on peut croire aussi que le régime municipal ne serait pas tombé si tôt, si la conquête romaine ne lui avait pas porté le dernier coup.

Au milieu des changements qui s’étaient produits dans les institutions, dans les mœurs, dans les croyances, dans le droit, le patriotisme lui-même avait changé de nature, et c’est une des choses qui contribuèrent le plus aux grands progrès de Rome. Nous avons dit plus haut quel était ce sentiment dans le premier âge des cités. Il faisait partie de la religion ; on aimait la patrie parce qu’on en aimait les dieux protecteurs, parce que chez elle on trouvait un prytanée, un feu divin, des fêtes, des prières, des hymnes, et parce que hors d’elle on n’avait plus de dieux ni de culte. Ce patriotisme était de la foi et de la piété. Mais quand la domination eut été retirée à la caste