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Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/470

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que les premiers en gardaient encore les formes extérieures. A vrai dire, la cité, telle que l’antiquité l’avait conçue, ne se voyait plus nulle part, si ce n’était dans les murs de Rome.

D’ailleurs Rome, en détruisant partout le régime de la cité, ne mettait rien à la place. Aux peuples à qui elle enlevait leurs institutions, elle ne donnait pas les siennes en échange. Elle ne songeait même pas à créer des institutions nouvelles qui fussent à leur usage. Elle ne fit jamais une constitution pour les peuples de son empire, et ne sut pas établir des règles fixes pour les gouverner. L’autorité même qu’elle exerçait sur eux n’avait rien de régulier. Comme ils ne faisaient pas partie de son État, de sa cité, elle n’avait sur eux aucune action légale. Ses sujets étaient pour elle des étrangers ; aussi avait-elle vis-à-vis d’eux ce pouvoir irrégulier et illimité que l’ancien droit municipal laissait au citoyen à l’égard de l’étranger ou de l’ennemi. C’est sur ce principe que se régla longtemps l’administration romaine, et voici comment elle procédait.

Rome envoyait un de ses citoyens dans un pays ; elle faisait de ce pays la province de cet homme, c’est-à-dire sa charge, son soin propre, son affaire personnelle ; c’était le sens du mot provincia. En même temps elle conférait à ce citoyen l’imperium ; cela signifiait qu’elle se dessaisissait en sa faveur, pour un temps déterminé, de la souveraineté qu’elle possédait sur le pays. Dès lors ce citoyen représentait en sa personne tous les droits de la république, et, à ce titre, il était un maître absolu. Il fixait le chiffre de l’impôt ; il exerçait le pouvoir militaire ; il rendait la justice. Ses rapports avec les sujets ou les alliés n’étaient réglés par aucune constitution. Quand il siégeait sur son tribunal, il jugeait suivant sa seule volonté ; aucune loi ne pouvait s’imposer à lui, ni la loi des provinciaux, puisqu’il était romain, ni la loi romaine, puisqu’il jugeait des provinciaux. Pour qu’