Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/480

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il n’y avait ni mariage possible ni aucune relation légale. Mais les empereurs eurent soin que les villes pussent s’élever, à la longue et d’échelon en échelon, de la condition de sujet ou d’allié au droit italique, du droit italique au droit latin. Quand une ville en était arrivée là, ses principales familles devenaient romaines l’une après l’autre. La Grèce entra aussi peu à peu dans l’État romain. Chaque ville conserva d’abord les formes et les rouages du régime municipal. Au moment de la conquête, la Grèce s’était montrée désireuse de garder son autonomie ; on la lui laissa, et plus longtemps peut-être qu’elle ne l’eût voulu. Au bout de peu de générations, elle aspira à se faire romaine ; la vanité, l’ambition, l’intérêt y travaillèrent.

Les Grecs n’avaient pas pour Rome cette haine que l’on porte ordinairement à un maître étranger ; ils l’admiraient, ils avaient pour elle de la vénération ; d’eux-mêmes ils lui vouaient un culte, et lui élevaient des temples comme à un dieu. Chaque ville oubliait sa divinité poliade et adorait à sa place la déesse Rome et le dieu César ; les plus belles fêtes étaient pour eux, et les premiers magistrats n’avaient pas de fonction plus haute que celle de célébrer en grande pompe les jeux Augustaux. Les hommes s’habituaient ainsi à lever les yeux au-dessus de leurs cités ; ils voyaient dans Rome la cité par excellence, la vraie patrie, le prytanée de tous les peuples. La ville où l’on était né paraissait petite : ses intérêts n’occupaient plus la pensée ; les honneurs qu’elle donnait ne satisfaisaient plus l’ambition. On ne s’estimait rien, si l’on n’était pas citoyen romain. Il est vrai que, sous les empereurs, ce titre ne conférait plus de droits politiques, mais il offrait de plus solides avantages, puisque l’homme qui en était revêtu acquérait en même temps le plein droit de propriété, le droit d’héritage, le droit de mariage, l’autorité paternelle et tout le droit privé de Rome. Les lois que chacun