Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/482

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ni le droit de cette ville. Le régime municipal périt ainsi lentement, et comme de mort naturelle. Il vint un jour où la cité fut un cadre qui ne renferma plus rien, où les lois locales ne s’appliquèrent presque plus à personne, où les juges municipaux n’eurent plus de justiciables.

Enfin, quand huit ou dix générations eurent soupiré après le droit de cité romaine, et que tout ce qui avait quelque valeur l’eut obtenu, alors parut un décret impérial qui l’accorda à tous les hommes libres sans distinction.

Ce qui est étrange ici, c’est qu’on ne peut dire avec certitude ni la date de ce décret ni le nom du prince qui l’a porté. On en fait honneur avec quelque vraisemblance à Caracalla, c’est-à-dire à un prince qui n’eut jamais de vues bien élevées ; aussi ne le lui attribue-t-on que comme une simple mesure fiscale. On ne rencontre guère dans l’histoire de décrets plus importants que celui-là : il supprimait la distinction qui existait depuis la conquête romaine entre le peuple dominateur et les peuples sujets ; il faisait même disparaître la distinction beaucoup plus vieille que la religion et le droit avaient marquée entre les cités. Cependant les historiens de ce temps-là n’en ont pas pris note, et nous ne le connaissons que par deux textes vagues des jurisconsultes et une courte indication de Dion Cassius.[1]. Si ce

  1. Antoninus Pius jus romanae civitatis omnibus subjectis donanvit. Justinien, Novelles, 78, ch. 5. In orbe romano qui sunt, ex constitutione imperatoris Antonini, cives romani effecti sunt. Ulpien, au Digeste, liv. I, tit. 5, 17. On sait d’ailleurs par Spartien que Caracalla se faisait appeler Antonin dans les actes officiels. Dion Cassius dit que Caracalla donna à tous les habitants de l’empire le droit de cité pour généraliser l’impôt du dixième sur les affranchissements et sur les successions. — La distinction entre pérégrins, latins et citoyens n’a pas entièrement disparu ; on la trouve encore dans Ulpien et dans le Code ; il parut en effet naturel que les esclaves affranchis ne devinssent pas aussitôt citoyens romains, mais passassent par tous les anciens échelons qui séparaient la servitude du droit de cité. On voit aussi à certains indices que la distinction entre les terres italiques et les terres provinciales subsista encore assez longtemps