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cas a toujours été un droit chez les anciens ; il est même possible qu’il ait été une obligation. Dans l’Inde, la religion prescrivait que la femme stérile fût remplacée au bout de huit ans[1]. Que le devoir fût le même en Grèce et à Rome, aucun texte formel ne le prouve. Pourtant Hérodote cite deux rois de Sparte qui furent contraints de répudier leurs femmes parce qu’elles étaient stériles[2]. Pour ce qui est de Rome, on connaît assez l’histoire de Carvilius Ruga, dont le divorce est le premier que les annales romaines aient mentionné. Carvilius Ruga, dit Aulu-Gelle, homme de grande famille, se sépara de sa femme par le divorce, parce qu’il ne pouvait pas avoir d’elle des enfants. Il l’aimait avec tendresse et n’avait qu’à se louer de sa conduite. Mais il sacrifia son amour à la religion du serment, parce qu’il avait juré (dans la formule du mariage) qu’il la prenait pour épouse afin d’avoir des enfants[3].

La religion disait que la famille ne devait pas s’éteindre ; toute affection et tout droit naturel devaient céder devant cette règle absolue. Si un mariage était stérile par le fait du mari, il n’en fallait pas moins que la famille fût continuée. Alors un frère ou un parent du mari devait se substituer à lui, et la femme était tenue de se livrer à cet homme. L’enfant qui naissait de là était considéré comme fils du mari et continuait son culte. Telles étaient les règles chez les anciens Hindous ; nous les retrouvons dans les lois d’Athènes et dans celles de Sparte[4]. Tant cette religion avait d’empire ! tant le devoir religieux passait avant tous les autres !

À plus forte raison, les législations anciennes prescrivaient le mariage de la veuve, quand elle n’a-

  1. Lois de Manou, IX, 81.
  2. Hérodote, V, 39 ; VI, 61.
  3. Aulu-Gelle, IV, 3. Valère Maxime, II, 1, 4. Denys, II, 25.
  4. Xénophon, Gouv. des Lacéd. Plutarque, Solon, 20. Lois de Manou, IX, 121.