Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout cela s’était consumé dans la fosse, sur les cendres encore chaudes, on enfonçait la pierre ou le morceau de bois[1]. » On voit clairement que cette cérémonie avait pour objet de faire du Terme une sorte de représentant sacré du culte domestique. Pour lui continuer ce caractère, chaque année on renouvelait sur lui l’acte sacré, en versant des libations et en récitant des prières. Le Terme posé en terre, c’était donc, en quelque sorte, la religion domestique implantée dans le sol, pour marquer que ce sol était à jamais la propriété de la famille. Plus tard, la poésie aidant, le Terme fut considéré comme un dieu distinct.

L’usage des Termes ou bornes sacrées des champs paraît avoir été universel dans la race indo-européenne. Il existait chez les Hindous dans une haute antiquité, et les cérémonies sacrées du bornage avaient chez eux une grande analogie avec celles que Siculus Flaccus a décrites pour l’Italie[2]. Avant Rome, nous trouvons le Terme chez les Sabins[3] ; nous le trouvons encore chez les Étrusques. Les Hellènes avaient aussi des bornes sacrées qu’ils appelaient ὅροι, θεοί ὅριοι[4].

Le Terme une fois posé suivant les rites, il n’était aucune puissance au monde qui pût le déplacer. Il devait rester au même endroit de toute éternité. Ce principe religieux était exprimé à Rome par une légende : Jupiter ayant voulu se faire une place sur le mont Capitolin pour y avoir un temple, n’avait pas pu déposséder le dieu Terme. Cette vieille tradition montre combien la propriété était sacrée ; car le Terme immobile ne signifie pas autre chose que la propriété inviolable.

  1. Siculus Flaccus, édit. Goez, p. 5.
  2. Lois de Manou, VIII, 245. Vrihaspati, cité par Sicé, Législat. hindoue, P. 159.
  3. Varron, L. L., V, 74.
  4. Pollux, IX, 9. Hesychius, ὅρος. Platon, Lois, VIII, p. 842.