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ne pouvait pas hériter du patrimoine. Les Institutes mentionnent encore le vieux principe, alors tombé en désuétude, mais non oublié, qui prescrivait que l’héritage passât toujours aux mâles[1]. C’est sans doute en souvenir de cette règle que la femme, en droit civil, ne peut jamais être instituée héritière. Plus nous remontons de l’époque de Justinien vers les époques anciennes, plus nous nous rapprochons de la règle qui interdit aux femmes d’hériter. Au temps de Cicéron, si un père laisse un fils et une fille, il ne peut léguer à sa fille qu’un tiers de sa fortune ; s’il n’y a qu’une fille unique, elle ne peut encore avoir que la moitié. Encore faut-il noter que pour que cette fille ait le tiers ou la moitié du patrimoine, il faut que le père ait fait un testament en sa faveur ; la fille n’a rien de son plein droit[2]. Enfin un siècle et demi avant Cicéron, Caton voulant faire revivre les anciennes mœurs fait porter la loi Voconia qui défend : 1° d’instituer héritière une femme, fût-ce une fille unique, mariée ou non mariée ; 2° de léguer à des femmes plus du quart du patrimoine[3]. La loi Voconia ne fait que renouveler des lois plus anciennes ; car on ne peut pas supposer qu’elle eût été acceptée par les contemporains des Scipions si elle ne s’était appuyée sur de vieux principes qu’on respectait encore. Elle rétablit ce que le temps avait altéré. Ajoutons qu’elle ne stipule rien à l’égard de l’hérédité ab intestat, probablement parce que sous ce rapport l’ancien droit était encore en vigueur et qu’il n’y avait rien à réparer sur ce point. À Rome comme en Grèce le droit primitif excluait la fille de l’héritage, et ce n’était là que la conséquence naturelle et inévitable des principes que la religion avait posés.

  1. Institutes, III, 2, 3.
  2. Cicéron, De rep., III, 7.
  3. Cicéron, in Verr., I, 42. Tite-Live, XLI, 4. Saint Augustin, Cité de Dieu, III, 21.