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Or la religion domestique se transmettait par le sang, de mâle en mâle. La descendance en ligne masculine établissait seule entre deux hommes le rapport religieux qui permettait à l’un de continuer le culte de l’autre. Ce qu’on appelait la parenté n’était pas autre chose, comme nous l’avons vu plus haut, que l’expression de ce rapport. On était parent parce qu’on avait un même culte, un même foyer originaire, les mêmes ancêtres. Mais on n’était pas parent pour être sorti du même sein maternel ; la religion n’admettait pas de parenté par les femmes. Les enfants de deux sœurs ou d’une sœur et d’un frère n’avaient entre eux aucun lien et n’appartenaient ni à la même religion domestique ni à la même famille.

Ces principes réglaient l’ordre de la succession. Si un homme ayant perdu son fils et sa fille ne laissait que des petits-fils après lui, le fils de son fils héritait, mais non pas le fils de sa fille. À défaut de descendants, il avait pour héritier son frère, non pas sa sœur, le fils de son frère, non pas le fils de sa sueur. À défaut de frères et de neveux ? il fallait remonter dans la série des ascendants du défunt, toujours dans la ligne masculine, jusqu’à ce qu’un trouvât une branche qui se fût détachée de la famille par un mâle ; puis on redescendait dans cette branche de mâle en mâle, jusqu’à ce qu’on trouvât un homme vivant ; c’était l’héritier.

Ces règles ont été également en vigueur chez les Hindous, chez les Grecs, chez les Romains. Dans l’Inde l’héritage appartient au plus proche sapinda ; à défaut de sapinda, au samanodaca[1]. Or nous avons vu que la parenté qu’exprimaient ces deux mots était la parenté religieuse ou parenté par les mâles, et correspondait à l’agnation romaine.

  1. Lois de Manou, IX, 186, 187.