Page:Fuster - Sonnets, 1887-1888.djvu/2

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


AVE CÉSAR !



Quand les gladiateurs descendaient dans l’arène,
Sous les yeux éblouis du peuple frémissant,
Ils regardaient d’abord le sol taché de sang
Et la farouche horreur des cadavres qu’on traîne,

Puis, adoptant la mort comme sa souveraine,
Marchant vers l’inconnu d’un cœur ferme et puissant,
Chaque gladiateur saluait en passant
Le César dédaigneux, la cruauté sereine.

Si nous devons souffrir, n’importe ! Fiers et doux,
Regardons notre sort s’entr’ouvrir devant nous
Et la douleur muette apprêter nos tortures.

Avant d’être écrasé sous l’essieu de son char,
Grave, et pâle déjà des angoisses futures,
Je ne veux pas mourir sans saluer César.




AMOUR ET GLOIRE



La gloire est un superbe et hautain piédestal,
Un piédestal de marbre où le buste se dresse,
Dominant le mépris, la haine ou la tendresse,
Avec l’indifférence altière du métal.

Le buste est là, sublime, impassible et brutal.
Eût-il un grand amour, un père, une maîtresse ?
Nul ne le sait. En bas, jalouse et vengeresse,
La foule le salue ainsi qu’un dieu fatal.

Combien j’aimerais mieux, cette vie achevée,
Assoupi doucement dans mon œuvre rêvée,
Et me sentant bercé comme à mon premier jour,

M’en aller d’ici-bas, ayant vidé mon âme,
Et laisser après moi, dans le cœur d’une femme,
Quelques mots de douleur et quelques mots d’amour !