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SARTHE.

fou et rien de plus, on le laissa aller sans s’informer de rien, et il suivit le roi pendant près d’une demi-heure, répétant de loin le même cri. Le roi fut fort troublé de cette apparition subite ; sa tête, qui était très faible, en fut ébranlée. Cependant on continua à marcher. La forêt passée, on se trouva dans une grande plaine de sable où les rayons du soleil étaient plus brûlants encore. Un des pages du roi, fatigué de la chaleur, s’étant endormi, la lance qu’il portait tomba sur le casque et fit soudainement retentir l’acier. Le roi tressaillit, et alors on le vit, se levant sur ses étriers, tirer son épée, presser son cheval des éperons et s’élancer en criant : « En avant sur ces traîtres ! ils veulent me livrer aux ennemis ! » Chacun s’écarta en toute hâte, pourtant pas si tôt que quelques-uns ne fussent blessés ; on dit même que plusieurs furent tués, entre autres un bâtard de Polignac. Le frère du roi, le duc d’Orléans, se trouvait là tout près ; le roi courut sur lui l’épée levée et allait le frapper : « Fuyez, mon neveu d’Orléans, s’écrie le duc de Bourgogne ; monseigneur est dans le délire. Mon Dieu, qu’on tâche de le prendre ! » Il était si furieux que personne n’osait s’y risquer ! on le laissait courir çà et là et se fatiguer, en poursuivant tantôt l’un, tantôt l’autre.

Enfin, quand il fut lassé et trempé de sueur, son chambellan, Guillaume de Martel, s’approcha par derrière et le prit à bras le corps ; on l’entoura, on lui ôta son épée, on le descendit de cheval, il fut couché doucement par terre ; on défit sa jacque ; son frère et ses oncles s’approchèrent ; ses yeux fixes ne reconnaissaient personne ; il ne disait pas une parole : « Il faut retourner au Mans, dirent les ducs de Berry et de Bourgogne ; voilà le voyage de Bretagne fini. » On trouva sur le chemin une charrette à bœufs ; on y plaça le roi de France, en le liant, de peur que sa fureur ne le reprit, et on le ramena à la ville sans mouvement et sans parole. »

Le règne de ce prince fut désastreux pour la province comme pour le reste de la France. Mamers, Beaumont-le-Vicomte, Ballon, tombèrent au pouvoir des Anglais. La Ferté-Bernard, qui soutint un siège de quatre mois, fut prise