Page:Gérard - Correspondance choisie de Gœthe et Schiller, 1877.djvu/100

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il faut que je vous envoie mon plan ou que je vous le porte moi-même. Alors nous aurons à traiter bien des questions délicates, dont je ne puis rien vous dire encore maintenant. Si mon sujet n’est décidément pas purement épique, bien qu’intéressant et important à plus d’un point de vue, il faudra chercher sous quelle autre forme il doit être traité. Portez-vous bien, jouissez de votre jardin et de la guérison de votre petit garçon.

J’ai passé mon temps avec Humboldt[1] de la manière la plus agréable et la plus utile. Sa présence a encore une fois réveillé mes travaux d’histoire naturel de leur sommeil d’hiver ; pourvu qu’ils ne retombent pas bientôt dans un sommeil de printemps.

Weimar, le 26 avril 1797.
Gœthe.

Je ne puis m’empêcher de vous poser encore une question sur notre affaire dramatico-épique. Que pensez vous des propositions suivantes ?

Dans la tragédie, le destin ou, ce qui est la même chose, la nature déterminée de l’homme, qui le conduit çà et là en aveugle, doit régner en maître ; il ne doit pas pousser l’homme vers son but, mais l’en éloigner ; le héros ne peut y être complétement maître de sa raison ; la raison, dans la tragédie, ne peut s’égarer que chez les personnages secondaires et au désavantage du héros, etc.

Dans l’épopée, c’est tout le contraire ; la sagesse seule, comme dans l’Odyssée, ou une passion raisonnable, comme dans l’Iliade, sont les seuls agents épiques. Le voyage des Argonautes, à son titre de simple aventure, n’est pas épique[2].

  1. On sait que Gœthe s’est beaucoup occupé des sciences de la nature. Il a composé un traité des couleurs et un essai sur la métamorphose des plantes.
  2. Cette lettre n’a pas reçu de réponse particulière de Schiller ; elle a été immédiatement suivie de la lettre n° 39