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Page:Gérard - Correspondance choisie de Gœthe et Schiller, 1877.djvu/53

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ainsi que les dames. Le Procureur est tout prêt à paraitre. Portez-vous bien et aimez-moi ; je ne serai pas en reste.

Weimar, le 18 mars 1795.
Gœthe.

16.

Lettre de Schiller. Il répond aux observations contenues dans la lettre précédente de Gœthe.

La peinture que vous venez d’entreprendre excite vivement ma curiosité. Elle portera peut-être moins qu’une autre l’empreinte de votre personnalité ; car il me semble qu’il y a là une corde qui ne vibre pas souvent chez vous. Je suis d’autant plus impatient de voir comment vous vous serez pénétré d’un élément aussi hétérogène. L’enthousiasme religieux ne peut convenir qu’à des esprits contemplatifs et comme abîmés en eux-mêmes ; ce qui n’est pas votre cas. Je ne doute pas un instant que votre peinture ne soit vraie ; mais elle devra sa vérité à la puissance de votre génie, et non à l’inspiration de votre nature personnelle.

Voilà quelque temps que je suis infidèle à mes travaux philosophiques, et tout occupé de produire quelque chose pour le quatrième numéro des Heures. C’est le siége bien connu d’Anvers qui m’est échu en partage ; la chose est déjà passablement avancée ; et quand vous arriverez la ville sera prise. Ce travail me fait voir combien le précédent était pénible ; car, sans que j’y mette la moindre négligence, je m’en tire comme d’un jeu ; et la quantité de pitoyables écrits qu’il me faut feuilleter, et qui chargent ma mémoire, me rappellent seuls que je travaille. À la vérité, je n’en tire non plus qu’un assez maigre plaisir ; mais je serai, je l’espère, comme les cuisiniers, qui ont peu d’appétit pour leur compte, mais savent l’exciter chez les autres.

Vous me rendriez un grand service, si vous pouviez m’envoyer, d’ici à lundi, le Procureur, si impatiemment attendu. Je ne serais pas alors forcé d’imprimer le commencement de mon histoire avant d’avoir achevé la fin. Si vous aviez quelque empêchement, faites le moi savoir, je vous prie,